Sur le net, la parole raciste se libère et se banalise toujours plus.

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Photo: Pixabay

Expliquer ou se taire

Point de vue sur le post raciste d'un conseiller national. 

Dans un post publié le 30 septembre dernier sur les réseaux sociaux, M. Benoît Genecand revenait sur ce qu’il estime être une faillite : « la politique de sécurité contre le deal de rue » à Genève. Le sujet posé, on aurait pu s’attendre à de nombreux développements : à qui profite ce trafic ? Comment est-il organisé ? Quels chemins de vie ont du emprunter ces femmes et ces hommes qui dealent dans la rue ? Pourquoi la consommation d’herbe, de shit, de cocaïne, d’héroïne, de mdma (...) est-elle si largement rependue à Genève? Qui sont les clients ? En se droguant, n’alimentent-ils pas eux-aussi ce trafic ? Quels problèmes sanitaires et sécuritaires génèrent-ils ? Quels sont les coûts qu’il engendre et qui les supportent ? Quelles pistes nouvelles pour prendre à bras le corps cette réalité « en faillite »?

Le sujet est important, difficile et complexe tant du point de vue social, politique qu’humain. Malheureusement, dans son post, M. Genecand a privilégié une toute autre autre grille d’analyse, préférant mettre en avant la couleur de peau des ces femmes (dont une est décrite comme étant « pas si jolie ») et de ces hommes qui dealent dans les rues. « Tous Noirs » nous rappelle-t-il en s’indignant que « des centres africains » vivent à Genève « comme sur un marché de Lagos », la capitale du Nigéria….

Autant d’amalgames qui contreviennent au 4ème paragraphe de l’article 261bis du code pénal, voulu et voté par le peuple Suisse, condamnant « celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé (…) une personne ou un groupe de personnes en raison (...) de leur appartenance ethnique. »

La Licra n’entend pas tolérer ces discours politiques qui utilisent les biais raciaux, comme ici sous couvert d’empirisme, et catégorisent les Noir.e.s comme criminel.e.s afin de les discriminer. Et nous parlons bien ici de pensée discriminante et de propos racistes tant rien dans ce post n’est dit à propos des forces opérantes qui rendent ces trafics possibles.

Ce post est une parfaite illustration du racisme ordinaire qui mine toujours plus le débat publique et politique dans nos sociétés ou la parole qui se libère banalise l’usage de catégorie raciale. S'il existe une relation entre la couleur de la peau et le trafic de drogue, alors il faut l’expliquer ou se taire, car le manque d'explication ne fait que renforcer les préjugés racistes.

Ce que ne tolère pas non plus l’article 261bis qui stipule que sera condamnable : « Celui qui, publiquement, aura incité (…) à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse . »

Il n’y a qu’à lire les commentaires postés en marge du billet de Monsieur Genecand ou de la réponse que lui a apporté Mme Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme, pour voir à quel point en s’exprimant de la sorte, il a incité ses lecteurs à en faire de même.Voilà pourquoi ce post est doublement raciste et intolérable sur le fond, comme sur la forme.